Pour Yann Aledo, l’opinion publique existe bien


Publié le 4{th} juin 2013 dans "" | Rédigé par Baptiste Cordier

Photo Dhiaeddine Neji
Photo Dhiaeddine Neji

Sondeur depuis seize ans, Yann Aledo est directeur associé de l’institut de sondages OpinionWay.

Pendant ses études au très Bourdieusien IEP de Toulouse, Yann Aledo a été bercée par les théories du sociologue  : « l’opinion publique n’existe pas ». Mais il ne l’a pas entendu de cette oreille. Il y a treize ans qu’il a fondé l’institut de sondages OpinionWay avec deux associés.

En sortant de l’IEP en 1990, Yann Aledo s’imaginait dans une spécialité toute nouvelle : le conseil en communication pour la publicité politique à la télévision. Il en avait fait son sujet de mémoire. Mais cette niche est tuée dans l’œuf quand la loi Rocard l’interdit en France.

Parcours
• Novembre 1968 : Naissance à Besançon (Doubs)
• 1986-1989 : Études à Sciences Po Toulouse suivies d’une maîtrise de Science politique et d’un DESS Marketing politique et communication à Paris
• 1995-2000 : Consultant Trade marketing chez Publicis Dialogue (anciennement Procis) puis directeur d’études et directeur de département « Stratégies d’entreprise » chez IPSOS
• Mars 2000 : Cofondateur de l’institut OpinionWay
• 2013 : Directeur associé d’OpinionWay

Une maîtrise de Science politique et un DESS de communication politique plus tard, Yann Aledo s’envole pour l’Égypte le temps de sa coopération comme adjoint de l’attaché culturel au Caire. Encore aujourd’hui, il retourne régulièrement au pays des pharaons, où il est parrain d’un petit garçon.

De retour en France, début 1993, il enchaîne des petits boulots, de vendeur de meubles à veilleur de nuit dans un hôtel. Après un passage dans une petite agence de publicité, il rejoint le géant Publicis, comme consultant spécialiste du Trade marketing, c’est-à-dire des actions promotionnelles mises en place par les fabricants dans la grande distribution.

Repéré par IPSOS, il intègre en 1997 le département « Stratégies d’entreprise » de l’institut de sondages. Son quotidien oscille entre enquête de satisfaction de la clientèle et études de marché sur de nouveaux produits. « C’est touche-à-tout, l’exercice idéal pour un IEPien », explique-t-il.

Mais il ne se voit pas rester salarié toute sa vie. Il envisage d’abord de se lancer dans l’immobilier, avec un site Web publiant des annonces à l’international, mais le projet n’avance pas assez vite à son goût.

Alors avec deux collègues d’IPSOS, Hugues Cazenave et Benjamin Gratton, il fonde un nouvel institut de sondages : OpinionWay. Leur idée : utiliser toutes les méthodes de collectes de données possibles, y compris les sondages par Internet. La méthode, innovante à l’époque en France, est d’abord décriée, avant d’être adoptée par d’autres sociétés. « Pendant mes études, les instituts de sondages représentaient pour moi un monde gris, terne et très sérieux, raconte Yann Aledo. Mais nous avons aussi voulu changer la manière de publier nos résultats. Sur la forme, nous réalisons des vidéos pour présenter nos enquêtes, c’est plus compréhensible et plus impactant que les classiques notes de synthèses. »

À défaut de guider son parcours professionnel, ses cours de sociologie à l’IEP ont eu une impact essentiel sur sa vie personnelle. C’est sur les bancs de Sciences Po qu’il a rencontré sa compagne, Sandrine Daboncourt. Ils ont aujourd’hui deux enfants, « qui ont toujours eu un peu de mal à expliquer à l’école en quoi consistait mon métier », s’amuse ce ce papa de 44 ans.

Le sondage n’est pas que politique
Connaître l’opinion est utile pour la démocratie, Yann Aledo en est convaincu. Mais les baromètres politiques, si souvent relayés dans la presse, ne représentent qu’une infime partie de l’activité des instituts, seulement 3% à OpinionWay. « Ce sont surtout les industriels qui nous font confiance pour analyser leur potentiel avant d’investir. » Plutôt que les études quantitatives mesurant l’opinion, lui préfère ces études qualitatives pour comprendre en détail l’opinion.

En treize ans, Yann Aledo a supervisé des centaines d’études, notamment dans les secteurs du luxe et des jeux de hasard. Les tableurs Excel lui font encore un peu peur mais plus que de conduire des enquêtes, le rôle d’un institut est d’analyser une masse de données. « Nous sommes dans une ère de surinformation, détaille le directeur associé d’OpinionWay : nos clients sont saturés et notre institut est là pour simplifier les données et discerner celles qui sont importantes. »

Les critiques contre les instituts de sondages, il les connait par cœur. « La preuve qu’on peut garder un peu de distance avec les enseignements suivis à l’IEP, sourit-il. Sciences Po nous apprend au contraire à explorer de nouvelles voies et à suivre notre propre chemin. Le thermomètre est toujours critiqué, mais ces arguments contre les sondeurs peuvent se retourner contre ceux qui cherchent à se légitimer justement en nous critiquant. C’est juste une querelle de champs au sein bourdieusien du terme. »

Le métier de sondeur évolue vite : pour compléter la cinquantaine de collaborateurs d’OpinionWay, ce sont par exemple des mathématiciens qui sont recrutés aujourd’hui plutôt que des statisticiens pour pouvoir manipuler les données plus largement. C’est tout l’enjeu du big data : le nombre de données disponibles augmente tellement vite qu’il faut inventer de nouvelles façons de les traiter. L’autre enjeu pour les sondeurs, c’est la data vizualisation, la mise en forme des données. Deux révolutions à venir pour OpinionWay. En attendant, Yann Aledo prépare un autre défi depuis son bureau surplombant la place de de la République. Le 23 juin prochain, il sera sur le bitume avec deux amis rencontrés à Sciences Po pour les 10 km L’Équipe, une course à pied dans les rues de Paris.

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